Cet article est un sous-article du plan de développement de la souris sans fil. Vous pouvez retrouver le plan de développement principal ici. C’est aussi une introduction générale au moulage de plastique, pour ceux qui veulent en savoir plus.

Je vais volontairement oublier toutes les formules mathématiques dans cet article. Le but étant d’expliquer de manière facilement compréhensible le fonctionnement des moules et du processus de moulage pour les curieux 🙂

“Donc pas de calculs sur les contraintes de cisaillement en fonction de la pression et de la température ? “

Non, absolument pas, je ne vais pas m’amuser à aller faire des mathématiques. Vous savez, au départ je pensais que les moules étaient comme des moules à gaufres. Bon, c’était au tout début et je n’avais pas d’expérience à ce moment-là…

Source : https://www.jardin-maison.com/gaufrier-belge/

Mais mon ingénieur insistait sur le terme “moule bien optimisé”, ce qui a attisé ma curiosité. Après quelques recherches, je me suis rapidement rendu compte qu’un moule, ce n’est pas du tout une simple cavité dans laquelle on injecte du plastique fondu.

Ce n’est pas du tout un moule à gaufre…

“Noooon sans blague ?”

C’est infiniment plus complexe même.

En fait les moules possèdent plusieurs caractéristiques :

  • Ils ont un système de refroidissement actif, permettant de finement gérer la température du moule.
  • Une fois les moules gravés, ils fonctionnent avec des paramètres de pression / température / vitesse d’injection spécifiques en fonction du mélange exact de plastique utilisé.
  • L’écoulement du plastique répond à une logique et n’est pas du tout le fruit d’un hasard.

I/ Un système de refroidissement actif

Premier point, le moule possède un système complet de refroidissement et de contrôle de température.

Source : https://www.mdpi.com/2073-4360/12/1/154

Le moule n’est pas seulement une cavité creusée dans un bloc d’acier, c’est aussi un bloc en acier intégrant un ensemble de circuit de refroidissement permettant un contrôle complet de la température de la surface interne.

Ce système de refroidissement permet de réguler la température de base du moule dans lequel sera injecté le plastique fondu mais aussi la manière dont ce plastique va refroidir et prendre forme en optimisant le chemin du liquide de refroidissement.

Ce contrôle a une importance primordiale. Le polymère est injecté à une température de plus de 180°C, avec une pression allant de 40 à 140 MPa ( plus ou moins 400 à 1400 fois la pression atmosphérique) avant de subir un refroidissement.

La température du moule est finement contrôlée en fonction de l’épaisseur du plastique, de la position de la buse d’injection, du flux de plastique.

Un mauvais contrôle du refroidissement peut donner des traces de brûlures. Par exemple, lorsque vous injectez le plastique à disons 200°C à 110 MPa, les contraintes de cisaillement et la pression peuvent faire localement augmenter la température au-delà du point de décomposition du plastique et provoquer des traces de brûlures, l’apparition de bulles etc. etc.

Il se peut aussi que le plastique refroidisse trop vite et forme des couches successives dans la structure même de la pièce, donnant une pièce friable.

Ou bien une déformation de la pièce causée par un refroidissement hétérogène.

Le système de refroidissement ne correspond qu’à la première partie des trois paramètres cité en haut. Vous verrez que la manière dont on injecte ce plastique à aussi son importance.

II/ Paramètres d’injection et cycle de refroidissement

Comme vous l’avez vue dans la première partie, un moule à injection industrielle n’est pas un moule à gaufres, et le plastique que nous injectons dedans n’est pas de la pâte à gaufres qu’on se contente de verser dessus.

“Christophe, je te ferais la remarque que la température de la pâte à gaufres et à crêpes à quand même une importance dans la qualité des gaufres et des crêpes qui en sortent… ”

Oui et pour les thermoplastiques c’est encore plus important… 😀

D’après mes recherches, la qualité des pièces produites dépendent de trois facteurs principaux :

  • La vitesse de refroidissement
  • La pression dans la cavité
  • La vitesse de remplissage

Quelques exemples concrets :

Le plastique injecté n’a pas été suffisamment chauffé. La température du thermoplastique étant très proche de sa température de solidification, elle commence à se solidifier avant même le remplissage complet de la cavité. Résultat, nous avons une pièce qui ne s’est formée ni à la bonne température, ni correctement. Au mieux, nous finissons avec un plastique beaucoup plus fragile, au pire il est déformé.

La température du moule est trop basse. Le polymère commence à refroidir rapidement, trop rapidement même, dès la sortie de la buse. Le résultat est encore un plastique déformé et une pièce inutilisable.

Une pression trop basse : c’est l’une des raisons pour laquelle je parlais d’une pression d’injection allant de 400 à 1400 bars dans la première partie de l’article. Si le polymère est injecté à une pression insuffisante, le plastique se refroidit rapidement, se déformant de manière inégale. Si la pression est trop basse, on n’arrive pas à maintenir la pièce pendant son refroidissement.

Une vitesse de remplissage trop basse va aussi occasionner des difformités. Le plastique ayant eu le temps de partiellement se solidifier durant l’injection, on se retrouve avec encore une fois, des pièces défectueuses.

Pour vous illustrer mes propos, voici la différence sur le Ironclad entre avant et après les ajustements effectués :

Case supérieure du Ironclad avant / après optimisation

Comme vous pouvez le voir, le châssis supérieur du Ironclad était complètement déformé pour le prototype alors que la version en production est parfaitement droite.

C’est simplement le résultat de quelques ajustements en matière de température / vitesse / pression d’injection. Une fois les paramètres optimaux obtenus, ils sont précieusement sauvegardés.

D’ailleurs, il est important de savoir que ces paramètres sont spécifiques aux mélanges. Par exemple, un fournisseur de pellets de plastiques A possède des caractéristiques physico-chimiques légèrement différentes du fournisseur B. Si on effectue l’injection du plastique A, avec les paramètres du plastique B, il y a de fortes chances que le moulage ne soit pas optimal.

J’en viens désormais à la dernière partie :

Il y a déjà eu des cas où malgré toutes les optimisations effectuées, il est impossible d’obtenir la pièce désirée pour la simple et bonne raison que le moule est mal imaginé. Et je vous avoue que c’est l’une de mes plus grandes craintes.

III/ L’écoulement du fluide dans le cavité

Il existe un nom barbare à cette science : la rhéologie. L’étude de l’écoulement et de la déformation de la matière sous l’effet d’une contrainte appliquée.

Vous devez comprendre que deux pièces identiques peuvent provenir de deux moules à la logique totalement différente. Imaginons une pièce en plastique en forme de dôme, disons un bol en plastique. On pourrait créer un moule comme ceci :

Injection par le haut

Dans le premier cas, le plastique est injecté par le haut, et le polymère liquéfié s’écoule jusqu’au bord du moule. Mais on pourrait parfaitement créer un moule alternatif où on injecterait le plastique par l’un des bords.

Le plastique est injecté par le bord gauche et rempli le moule en voyageant vers la droite.
Ou encore, on pourrait faire un moule dans lequel le plastique pénètre par deux entrées !

Et là, si vous avez été attentif lors du développement du Champion’s Bane, vous allez vous exclamer :

“Heeeeeeeeeey mais j’ai déjà vu çà !!”

Bingo… Vous l’avez deviné.

La partie basse du repose-poignet du Bane fait appel à la troisième méthode. Le plastique est injecté à partir de deux entrées et se rejoint au milieu, d’où cette ligne due à la différence de température de quelques degrés Celsius.

Hé ouais…

Bien sûr, la version en production ne possède pas ce défaut visuel, il a été cachée par un revêtement + traitement UV donc vous ne risquez pas de le remarquer.

L’ingénieur avait été obligé d’utiliser cette astuce afin de garder un repose poignet parfaitement droit malgré sa taille et la complexité de la structure.

Ce qui signifie aussi que si le moule est mal pensé, si la logique d’écoulement du fluide est mauvaise, le moule est totalement incapable de produire la pièce voulue.

D’ailleurs c’est pour cette raison que les premiers switches made in China étaient d’une qualité médiocre et que Cherry fabriquait les meilleurs switches.

En l’absence d’expérience dans la construction de moules haute précision, les switches d’origines Chinoises sortaient avec une qualité variable, donnant une satisfaction au client pour le moins… variable.

Cependant avec le temps et l’expérience, ce n’est plus du tout vrai et de nombreuses marques produisant des switches pour passionnés sont sous traités par des entreprises Chinoises.

Conclusion

Ce bref article avait simplement pour but de vous introduire à quelques notions sur l’injection de plastique. Comme vous pouvez le voir, la création d’une structure n’a rien à voir avec la méthode pour produire ladite structure.

D’un côté, on imagine l’emboîtement mécanique des pièces, de l’autre on imagine le thermoformage de la pièce à partir d’un polymère. C’est deux travails totalement différents.

Cette logique d’écoulement du fluide, la rhéologie, devient d’autant plus importante que le thermoplastique utilisé nécessite une température de travail élevée et possède une viscosité élevée.

Je pourrais vous donner l’exemple du PBT. Le PBT se travail à plus de 230-270°C et est très visqueux, une fois la pièce moulée, elle doit être ramenée à une température ambiante sans se déformer. C’est pour cette raison que la création d’un moule pour des touches en PBT est aussi coûteuse.

De même que la production d’ailleurs. Le PBT étant très visqueux et se travaillant à haute température, malgré un temps astronomique passé à optimiser le moule, il arrive souvent que des pièces défectueuses en sortent.

Un commentaire sur “Courte introduction à l’art de l’injection de thermoplastique

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